fools-and-kings

Hier, la mer.

M'y voilà depuis cinq jours et déjà l'impression que cela fait trois semaines. J'ai difficilement un moment à moi et encore moins un calme, pour écrire. Calme dans ma tête. J'ai toujours l'impression, pour l'instant, que ce ne sont que des vacances. J'ai aussi du mal à passer d'une langue à l'autre. Je vais essayer de résumer ce début.

Départ de Lille en voiture avec Mister G, traversée en ferry puis conduite à gauche. Première surprise avec l'autoroute pour Canterbury, fermée. Je n'en menais pas large. Le stress qui monte. Une fois arrivés, les clefs et les draps. La maison, les colocs. Ce sera une maison internationale et féminine. Canada, Allemagne, Pologne et Chine. Par ordre d'apparition. Et le soulagement. La maison est belle, agréable et bien entretenue. La chambre spacieuse. Les colocs adorables.
Dur de retrouver le sommeil après le départ de Mister G, tôt le lendemain matin. Et une première journée mitigée. La sensation de solitude avec Son départ et l'éloignement avec la France. Néanmoins, la très bonne entente avec les Girls. Nos premières courses, notre premier family dinner. Nos premiers verres de cidre à la pression!
Début de semaine et premières réunions de pré-rentrée avec Lady M. Retour au français donc. Le campus est immense, plein d'arbres. Traverser les bois pour aller en cours est une perspective somme toute assez encourageante pour les semaines à venir. Mais les choses sérieuses : weather and food. Not so bad actually! Oui, j'ai chaud. Oui, je mange cinq fruits et légumes par jour.
Un International Students Dinner parfait mardi. Une angine mercredi. Une présentation des associations étudiantes aujourd'hui. Creative Writing Club. Making Music at Kent - avec Choeur de chambre qui me tente beaucoup, sur audition, vingt places. Let's try. Et tout ce qu'il faut pour continuer mes découvertes de l'année dernière. Yoga, Tai Chi and stuff.

Le tout avec l'agréable habitude - oui, déjà - de vivre au jour le jour.

Cheers!

Toujours les mêmes sensations. Le paysage qui défile et mes questions. La peur de s'enfermer dans un avenir sans issue, au cas où. Essayer de faire confiance aux décisions impulsives. Se laisser dire que le choix se fera, au bon moment. La musique qui rappelle des états d'esprit antérieurs, l'impression de revivre ces instants qui, vu d'ici paisibles, n'étaient pas plus sereins que le présent. Y poser ses mots.

Deux mois et demi. Le trajet en sens inverse. Les bons moments passés, les moins bons. Le mélange d'appréhension et d'impatience qui m'habite. Les bons souvenirs, l'envie que rien ne cesse. Les moins bons, le désir de ne garder que le positif. Avancer. Les départs, les "au revoir", les séparations - pourtant réversibles - m'apeurent toujours autant.

J'aime les voyages en train. Oui. Ce n'est pas une simple affirmation lâchée dans un instant de sensation de plénitude passagère. Non. Plutôt un constat réfléchi et évident. Présent et infaillible. J'aime les voyages en train.

Malgré le stress de la montée à bord, chargée comme un mulet. Malgré la question, inévitable et oppressante, "où vais-je mettre tout ça?" Surtout, à l'abri des coups, des valises trop lourdes flanquées dessus et des pervers qui cherchent à voir où je range mes culottes... (Doit bien y en avoir, des pervers.) Malgré les gens. Les stressés levés toutes les trois minutes cinquante pour vérifier si les bagages sont toujours là - on sait jamais, de nos jours. Les empereurs du TGV pour qui il est impensable que leur conversation téléphonique, forte et vigoureuse, pourrait gêner la plèbe - et qui ont d'ailleurs une vie tellement passionnante. Ceux qui mange. Du pâté. Odorant, le pâté. Ceux qui ont amené Kiki - le pauvre, il allait pas rester seul sans sa maman, hein le bon chienchien. Ceux qui sont au leuvèle vingt-deux et qui ne peuvent baisser la douce musique de leur péhèspé au risque d'être rétrogradé au quatorze-trop-la-honte. Malgré l'accent anglais, mélodieux et précis, du chef de bord. Malgré les toilettes.

J'aime les voyages en train.

Pour le léger ronflement du dormeur du TER de sept heure quarante-trois. Pour les dernières mises au point avant partiel-de-quatre-heures-trop-la-flemme du TER de neuf heure vingt-cinq. Pour le nom des gares - mention spéciale pour le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Pour les surprises : on ne s'ennuie jamais avec la SNCF. Pour la vitesse du paysage et la lenteur des nuages par la fenêtre. Pour cette sensation d'entre-deux - pas tout à fait partie et presque arrivée. Pour le bulletin météo, obligé et point par point, après une traversée de la France en TGV. Pour les villages et leur clocher qui dépasse. Pour le flottement du temps. Et de l'esprit. Pour écrire.

J'aime les voyages en train. En plus, ça paye ta retraite, tonton!

From Valence to Canterbury.
Escale à Lille Beach, 44h.